Je pense toutefois qu’une telle nomination n’est pas seulement celle de deux individus, mais à travers eux celle des voix qu’ils portent, des voix fortes et claires en faveur de la cause universelle des droits humains, et qui ne sont encore que faiblement entendues dans les couloirs du pouvoir et des principaux médias.
Ghassan Andoni parle non seulement de paix entre Israéliens et Palestiniens, mais aussi de la seule forme de paix véritablement durable, celle basée sur la justice. Une paix qui reconnaît aux Palestiniens non seulement leur existence en tant que nation avec l’ensemble de leurs droits civiques, mais aussi les souffrances et l’injustice qu’ils ont subies durant les six dernières décennies. Une paix basée sur le rétablissement de la justice, c’est à dire sur une totale autodétermination pour les Palestiniens, est la seule capable d’amener la réconciliation et la fin effective du conflit israélo-palestinien.
En ce qui me concerne, comme pour l’organisation que je dirige (Le Comité Israélien Contre les Démolitions de Maisons / ICAHD), nous parlons aussi d’une paix fondée sur la justice, et par laquelle les Israéliens, qui ont assuré leur autodétermination, doivent traiter la question de leur propre responsabilité à l’égard des Palestiniens sous leur domination : c’est-à-dire soit mettre fin à l’occupation des terres palestiniennes conquises en 1967, soit être disposés à vivre avec eux au sein d’un même Etat démocratique assurant à tous ses citoyens une égalité de droits. Le rétablissement de la justice constitue la condition sine qua non de toute paix durable, et obligera Israël à reconnaître le rôle qu’il a joué en jetant les réfugiés hors de leurs foyers, comme à reconnaître leur droit de retour, et à agir en vue d’une juste résolution de cette tragédie qui n’en finit plus.
En tant qu’Israélien, je suis horrifié à l’idée de voir mon pays imposer à un autre peuple un nouveau système d’apartheid, et horrifié à l’idée de voir mon peuple — les Juifs (parmi tous les peuples) — devenir de nouveaux Afrikaners. Je suis aussi préoccupé par la frustration et la fureur grandissantes au sein du monde musulman et Arabe, alimentées dans une large mesure par le soutien des USA et de l’Europe à la politique israélienne d’occupation, déniant aux Palestiniens tout droit à l’autodétermination et faisant de mon pays un Etat paria.
Ghassan et moi ne nous situons pas dans des « camps » opposés. Au delà de notre préoccupation commune quant aux conséquences destructrices de l’Occupation israélienne sur nos sociétés respectives, nous considérons tous deux que cette question comporte une dimension mondiale, un défi fondamental pour un monde axé sur le rapprochement, l’égalité, la justice, la paix, la prospérité, l’autodétermination, le droit international et les droits humains universels. Car si l’occupation et la répression dans un conflit étalé au grand jour est capable d’annihiler les espoirs d’un peuple quant à sa liberté et ses droits humains fondamentaux, qu’en est-il pour les peuples opprimés qui ne bénéficient pas de l’attention du public ?
Je me considère comme un esprit critique et un porte-parole de la paix et de la justice, ce qui veut dire que je suis prêt à critiquer mon propre peuple s’il n’accepte pas la responsabilité d’avoir à mettre fin à l’oppression qu’il a lui-même imposée. Espérons que nos paroles, reconnues grâce à cette nomination, puissent être mieux entendues.